Commano Culotte, le féminisme à son apogée

Depuis presque 2011, Mirion Malle écrit des notes de BD sur des films, des séries et le féminisme, et la représentation dans ces derniers (par ici). Ne connaissant que très peu son œuvre, Commando Culotte : Les dessous du genre et de la pop-culture était l’occasion parfaite pour se plonger dans son travail.

Sur presque 200 pages, l’autrice/dessinatrice décrypte les défauts de représentation dans les médias contemporains, de Game of Thrones à Six Feet Under, en passant par Harry Potter et American Pie, mais donne aussi quelques cours, expliquant l’importance de la représentation de tous dans les médias, les idéaux masculins et féminins stéréotypés ou encore la culture du viol.

Là où l’on remarque que le travail est bien fait, c’est dans l’accessibilité de ses propos. Le féminisme n’est pas toujours chose évidente à comprendre. S’il part du postulat assez simple de l’égalité des sexes, sa mise en oeuvre peut parfois paraître confuse et il n’est pas toujours aisé de débusquer le sexisme dissimulé, et largement ancré, dans nos quotidiens. Au prisme de la pop-culture, avec des exemples qui parlent à tous, Mirion Malle vient donc nous expliquer tout ce qui ne va pas dans ce que l’on regarde, ce qu’il faudrait améliorer et quelles en sont les conséquences directes et implicites sur nos esprits.

S’il est parfois difficile d’entendre des critiques dirigées vers des œuvres que l’on adule, ce qui l’est encore plus, c’est de voir qu’elle a parfaitement raison. Nous baignons quotidiennement dans un marécage de sexisme, de machisme et parfois même de misogynie. Des pubs affichées dans le métro à l’image des femmes telles qu’elles sont montrées à l’écran, rien ne va. Mais le tableau n’est pas toujours noir. Si l’autrice/dessinatrice pointe du doigt certains films/séries comme largement sexiste, ternissant l’image des femmes, elle en met aussi en avant d’autres œuvres de manière beaucoup plus positive, comme n’étant pas nécessairement hétéro/androcentrées.

plus de noirs

Mirion Malle, cependant, ne s’intéresse pas qu’à la représentation des femmes, mais à toutes les représentations possibles. La principale critique réside dans le fait que la fiction est systématiquement centrée sur un homme, blanc, hétérosexuel, cisgenre (perception du genre d’une personne correspondant à son sexe attribué à la naissance) et souvent aisé. Les femmes ont donc un rôle généralement secondaire, les personnes de couleur également (lorsqu’elles sont représentées c’est à dire très rarement), les homosexuels aussi, ou alors quand ils sont présents, sont stéréotypés au possible, etc. Elle réussit alors à démontrer à la perfection que ce que nous voyons tous les jours est biaisé, sans pour autant le remarquer, en somme, une représentation médiatique sexiste, raciste, homophobe et classiste.

congrès féministe pour dtruire les hommes

Si le ton est souvent péremptoire et impératif, mais indéniablement nécessaire, la tendance générale est plutôt à l’humour. Malgré le fait de mettre en exergue une réelle gangrène de notre société, là où l’on pourrait perdre tout espoir, Mirion Malle reste drôle, de manière relativement rafraîchissante. Elle est humaine. À la lecture des pages, on ne la voit pas comme une professeure, mais plutôt comme une amie, avec qui on passe du bon temps et qui nous explique la chose, nous corrige, nous donne la marche à suivre. Elle inspire confiance et on croît tout ce qu’elle nous dit sans jamais avoir envie de le discuter.

critiques

Pourtant, sans vergogne, certains s’attachent à la critique. On peut voir des gens qui pointent du doigts certains strips, disent qu’ils ne sont pas d’accord, que c’est n’importe quoi, mais n’expliquent jamais pourquoi. On peut entendre l’éternel « les féministes sont frustrées parce qu’elles sont moches et lesbiennes alors elles s’attaquent aux hommes, etc », argument merveilleux et constructif. Mais la meilleure critique, le top of the pop, que j’ai pu lire sur senscritique.com est la suivante :

Si les femmes sont soumises dans les blockbusters et les séries télé c’est parce qu’elles sont perçues comme telles par les auteurs et ils ne sauraient se tromper, les femmes sont RÉELLEMENT soumises, sinon il n’y aurait pas à se battre contre les inégalités entre les sexes. Ce n’est pas en travestissant dans leurs œuvres ce que les auteurs perçoivent de la condition des femmes qu’elle changera, mais en la changeant que leurs rôles évolueront dans ce type d’œuvres.

Splendide. Vous avez compris vous les femmes ? C’est de votre faute si vous êtes nulles dans les films et les séries, c’est parce que vous êtes nulles dans la vraie vie. Si vous étiez pas nulles dans la vraie vie, vous seriez meilleures dans les films. Les scénaristes c’est pas leur faute, ils peuvent pas changer ce qu’ils voient, d’ailleurs ils peuvent même pas écrire de fiction, ils sont obligés d’écrire des histoires de trucs qui leurs arrivent dans la vraie vie.

love actually sexiste

Malgré tout, il y a quand même un tout petit point sur lequel je ne suis pas d’accord, concernant la note sur Love Actually (voir image ci-dessus). On ne peut contredire tous les points qui font de Love Actually un film sexiste, comme les femmes qui passent leur temps à faire du café pour les hommes, le fat-shaming et le fait que seuls les hommes font le premier pas. Je ne suis cependant pas d’accord pour envisager le personnage de Colin comme hyper-sexiste. Certes, le personnage en lui-même l’est, mais son arc narratif est à prendre au huitième degré. Les événements qui lui arrivent sont poussés à l’extrême, presque tournés en dérision. On ne peut prendre une seconde au sérieux ce qui lui arrive, de telle sorte qu’il s’agit, à mon sens, d’une critique du héros systématiquement entouré de top models et de la femme trophée.

Mais comme on dit, lorsqu’on en vient à critiquer des détails aussi subtils, c’est que le contenu global est d’une très grande qualité. Et c’est le cas. Il s’agit ici d’une BD absolument fantastique (que l’on peut acheter par ici) que chacun devrait lire pour se remettre à niveau sur le monde qui l’entoure, pour mieux le comprendre et mieux appréhender ses anomalies. La lecture du blog (toujours par là) est aussi indispensable et recommandée à tous.

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