Sweet/Vicious – Saison 1, la culture du viol mise à mal

« 9 times out of 10, these girls want it, even when they say they don’t. And the one time where they actually didn’t, it’s my word against theirs ».

« 9 fois sur 10, ces filles le veulent vraiment même si elles disent le contraire. Et la fois où elles ne le voulaient vraiment pas, c’est ma parole contre la leur. » Cette phrase extraite d’un dialogue de la série Sweet/Vicious résume assez bien l’état de la culture du viol, aujourd’hui encore. Et si elle peut paraître des plus absurdes, elle est pourtant une réalité : l’on continue de penser qu’un non équivaut à un oui, et les violeurs sont généralement peu inquiétés par la justice.

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Pour dénoncer cette culture du viol, nous suivons ici l’histoire de Ophelia et Jules, deux étudiantes à l’université fictive de Darlington. La première, Ophelia Mayer (Taylor Dearden) est une étudiante un peu rebelle, dont on tombe assez rapidement amoureux tant elle est incroyable, qui dispose de compétences en piraterie informatique et d’une répartie hors du commun, créant ainsi des répliques cultes et des scènes absolument hilarantes. La seconde, Jules Thomas (Eliza BennettBroadchurchGranchester), est un peu moins excentrique et beaucoup plus réservée, depuis qu’elle a été violée un an auparavant. Là où ça se complique, c’est que le violeur est le petit copain de sa meilleure amie. Fragilisée par cette expérience et révoltée par l’inactivité institutionnelle face au problème, elles vont décider de faire justice elles-mêmes et d’aller donner une leçon à tous les violeurs du campus.

Si les pratiques des justiciers masqués sont souvent discutables en ce qu’ils agissent hors du champ judiciaire, leur présence est généralement révélatrice de l’absence, justement, d’une quelconque action judiciaire. De Daredevil à Luke Cage, leurs actes sont toujours venus se supplanter à ceux des forces de polices, soit en raison de leur impuissance face à ce qui se profile, soit parce qu’ils sont corrompus. Dans Sweet/Vicious, il est plus question de corruption, qui n’est pas financière, mais plutôt sexiste, voire misogyne. On nous indique, dans la série, que l’année passée, sur les 26 plaintes déposées pour viol ou agression sexuelle, toutes ont été classées sans suite, et c’est sans compter celles qui n’ont pas été jusqu’à déposer plainte. La véracité des propos tenus par les étudiantes sont toujours mis en cause, là où la probité des agresseurs n’est jamais questionnée. Lorsque la justice ne peut pas être obtenue par voie légale, il faut passer par les voies annexes.

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Si 26 plaintes ont été déposées, d’autres, si ce n’est une grande majorité, n’ont jamais été jusque là, et ce en raison de la violence du système, qui considère les victimes, non pas comme telles, mais comme des menteuses. On assiste ainsi, en milieu de saison, à un épisode particulièrement brutal, qui retrace la nuit où Jules a été violée, du début de la soirée, au viol en question, jusqu’au rapport aux instances de l’université. Au lieu d’être traitée en tant que victime, on cherche à remettre en question ses propos à plusieurs reprises, à lui demander de nombreuses fois si elle est vraiment certaine de ce qu’elle avance, à lui faire reconfirmer ses paroles plusieurs fois, pour lui faire comprendre au final que, portant plainte contre l’un des étudiants les plus célèbres du campus, cela ne donnera jamais suite.

Ce qui est fort justement dans Sweet/Vicious, c’est que tous les aspect de la culture du viol sont abordés, permettant ainsi d’expliquer au grand public que, non, les femmes n’accusent pas faussement des hommes de les avoir violées juste pour se venger, par pure méchanceté, pour s’amuser ou parce qu’elles regrettent d’avoir couché avec lui. Que la procédure qui s’en suit lorsque l’on accuse quelqu’un est lourde et qu’en plus de cela, elle ravive des souvenirs indésirables, et quelle merveilleuse expérience, en plus d’avoir été violée, que de se faire traiter de menteuse simplement parce que l’accusé est le capitaine de foot de l’université, ou bien une célébrité, au hasard… Et enfin, que les violeurs ne sont pas, comme on le dit et le pense beaucoup, des inconnus, dans la rue, mais qu’ils sont aussi, let surtout, membres du cercle de connaissances proches, ce qui complique encore plus les poursuites judiciaires et la reconnaissance des ses actes en tant que viols.

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En plus de ce message délivré, les personnages féminins présentés ici sont très forts. D’abord, parce qu’elles se battent physiquement, mais parce qu’elles se battent également pour des idées. Ophelia présente de nombreuses compétences, et elle est extrêmement drôle (contrairement à cette croyance que les filles ne seraient pas drôles). Si le personnage de Jules paraît plus fragile, elle demeure tout de même une guerrière implacable. Si elle est effectivement dévastée par l’expérience traumatisante qu’elle a vécue, elle transforme néanmoins sa colère en un moyen d’action politique ce qui en fait un personnage d’une puissance sans conteste. Même les autres protagonistes un peu plus stéréotypés, notamment dans l’expression de leur féminité, nous délivrent toujours un message féministe. Le casting est globalement très blanc, mais l’on trouve tout de même deux personnages racisés avec les meilleurs amis respectifs des deux justicières : Harris (Brandon Mychal Smith – Get On Up) et Kennedy (Aisha Dee – Terra Nova).

Bien entendu, il s’agit ici d’une série à destination des adolescents, toutes les intrigues gravitant autour de l’histoire principale sont un peu plus simplettes : amourettes et compagnie. Pour autant, cela ne constitue pas un obstacle au plaisir que l’on peut avoir à visionner ces dix épisodes, cela ne reste qu’en périphérie. Arrivé au dernier épisode, on tombe sur un final puissant, qui nous procure une satisfaction immense et jubilatoire, mais on ne peut en dire plus… Les dernières images ouvrent sur une possible seconde saison, dans la mesure où la chaîne décidera, où non, de reconduire la série, malgré des audiences relativement basses qui plafonnent à 200.000 téléspectateurs par épisodes. On espère tout de même que cela ne les arrêtera pas pour autant.

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MTV réussit donc largement à produire une série féministe, pour adolescents, qui démonte la culture du viol en abordant le moindre de ses aspects. Par ailleurs, pour en apprendre un peu plus sur la culture du viol, notamment au prisme des agressions sexuelles perpétrées par des célébrités, l’autrice/dessinatrice Mirion Malle avait réalisé une BD brillante en septembre dernier à ce propos. Il faut donc également regarder Sweet/Vicious, cette série merveilleuse, de toute urgence, et n’oubliez pas : non, c’est non.

Un commentaire

  1. […] Pour dénoncer cette culture du viol, nous suivons ici l’histoire de Ophelia et Jules, deux étudiantes à l’université fictive de Darlington qui vont décider de faire justice elles-mêmes et d’aller donner une leçon à tous les violeurs du campus. MTV produit ici une série féministe, pour adolescents, qui démonte la culture du viol en abordant le moindre de ses aspects. Un véritable petit bijou qu’il faut regarder de toute urgence ! Le récap’ de la saison 1 est par ici ! […]

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